Dimanche, 14-04-19

14. Dim - R -DIMANCHE DES RAMEAUX [1] ET DE LA PASSION (SIXIÈME DIMANCHE DE CARÊME). Homélie donnée par Père Jean Bosco NSENGIMANA MIHIGO, msscc. 1e lecture : Is 50, 4-7 ; Ps 22(21), 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a ;2e lecture : Ph 2, 6 -11 ; Évangile : Lc 22, 14 – 23, 1-56

Premiere lecture (Is 50, 4-7)

Le Serviteur de Dieu accepte ses souffrances

Dieu mon Seigneur m’a donné le langage d’un homme qui se laisse instruire, pour que je sache à mon tour réconforter celui qui n’en peut plus. La Parole me réveille chaque matin, chaque matin elle me réveille pour que j’écoute comme celui qui se laisse instruire. Le Seigneur Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe. Je n’ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats. Le Seigneur Dieu vient à mon secours ; c’est pourquoi je ne suis pas atteint par les outrages, c’est pourquoi j’ai rendu mon visage dur comme pierre : je sais que je ne serai pas confondu.

Psaume responsorial (Ps 21 (22), 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a)
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?

Tous ceux qui me voient me bafouent,
ils ricanent et hochent la tête :
« Il comptait sur le Seigneur : qu’il le délivre !
Qu’il le sauve, puisqu’il est son ami ! »

Oui, des chiens me cernent,
une bande de vauriens m’entoure.
Ils me percent les mains et les pieds ;
je peux compter tous mes os.

Ils partagent entre eux mes habits
et tirent au sort mon vêtement.
Mais toi, Seigneur, ne sois pas loin :
ô ma force, viens vite à mon aide !

Mais tu m’as répondu !
Et je proclame ton nom devant mes frères,
je te loue en pleine assemblée.
Vous qui le craignez, louez le Seigneur.

Deuxième lecture (Ph 2, 6-11)

Glorification de Jésus après son humiliation sur la croix
Le Christ Jésus, lui qui était dans la condition de Dieu, n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix. C’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tout ; il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms, afin qu’au Nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l’abîme, tout être vivant tombe à genoux, et que toute langue proclame : « Jésus Christ est le Seigneur », pour la gloire de Dieu le Père.

Evangile (Lc 22, 14-71 ; 23, 1-56)
La Passion
Quand du repas pascal fut venue, Jésus se mit à table, et les Apôtres avec lui. Il leur dit : « J’ai ardemment désiré manger cette Pâque avec vous avant de souffrir ! Car je vous le déclare : jamais plus je ne la mangerai jusqu’à ce qu’elle soit pleinement réalisée dans le royaume de Dieu. » Il prit alors une coupe, il rendit grâce et dit : « Prenez, partagez entre vous. Car je vous le déclare : jamais plus désormais je ne boirai du fruit de la vigne jusqu’à ce que vienne le règne de Dieu. » Puis il prit du pain ; après avoir rendu grâce, il le rompit et le leur donna, en disant : « Ceci est mon corps, donné pour vous. Faites cela en mémoire de moi. » Et pour la coupe, il fit de même à la fin du repas, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang répandu pour vous. Cependant la main de celui qui me livre est là, à côté de moi sur la table. En effet, le Fils de l’homme s’en va selon ce qui a été fixé. Mais malheureux l’homme qui le livre ! » Les Apôtres commencèrent à se demander les uns aux autres lequel d’entre eux allait faire cela. Ils en arrivèrent à se quereller : lequel d’entre eux, à leur avis, était le plus grand ? Mais il leur dit : « Les rois des nations païennes leur commandent en maîtres, et ceux qui exercent le pouvoir sur elles se font appeler bienfaiteurs. Pour vous, rien de tel ! Au contraire, le plus grand d’entre vous doit prendre la place du plus jeune, et celui qui commande, la place de celui qui sert. Quel est en effet le plus grand : celui qui est à table, ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui qui est à table ? Eh bien moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. Vous, vous avez tenu bon avec moi dans mes épreuves. Et moi, je dispose pour vous du Royaume, comme mon Père en a disposé pour moi. Ainsi vous mangerez et boirez à ma table dans mon Royaume, et vous siégerez sur des trônes pour juger les douze tribus d’Israël. Simon, Simon, Satan vous a réclamés pour vous passer au crible comme le froment. Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne sombre pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères. » Pierre lui dit : « Seigneur, avec toi, je suis prêt à aller en prison et à la mort. » Jésus reprit : « Je te le déclare, Pierre : le coq ne chantera pas aujourd’hui avant que, par trois fois, tu aies affirmé que tu ne me connais pas. » Puis il leur dit : « Quand je vous ai envoyés sans argent, ni sac, ni sandales, avez-vous manqué de quelque chose ? » Ils lui répondirent : « Mais non. » Jésus leur dit : « Eh bien maintenant, celui qui a de l’argent, qu’il en prenne, de même celui qui a un sac ; et celui qui n’a pas d’épée, qu’il vende son manteau pour en acheter une. Car, je vous le déclare : il faut que s’accomplisse en moi ce texte de l’Écriture : Il a été compté avec les pécheurs. De fait, ce qui me concerne va se réaliser. » Ils lui dirent : « Seigneur, voici deux épées. » Il leur répondit : « Cela suffit. » Jésus sortit pour se rendre, comme d’habitude, au mont des Oliviers, et ses disciples le suivirent. Arrivé là, il leur dit : « Priez, pour ne pas entrer en tentation. » Puis il s’écarta à la distance d’un jet de pierre environ. Se mettant à genoux, il priait : « Père, si tu veux, éloigne de moi cette coupe ; cependant, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne. » Alors, du ciel, lui apparut un ange qui le réconfortait. Dans l’angoisse, Jésus priait avec plus d’insistance ; et sa sueur devint comme des gouttes de sang qui tombaient jusqu’à terre. Après cette prière, Jésus se leva et rejoignit ses disciples qu’il trouva endormis à force de tristesse. Il leur dit : « Pourquoi dormez-vous ? Levez-vous et priez, pour ne pas entrer en tentation. » Il parlait encore quand parut une foule de gens. Le nommé Judas, l’un des Douze, marchait à leur tête. Il s’approcha de Jésus pour l’embrasser. Jésus lui dit : « Judas, c’est par un baiser que tu livres le Fils de l’homme ? » Voyant ce qui allait se passer, ceux qui entouraient Jésus lui dirent : « Seigneur, faut-il frapper avec l’épée ? » L’un d’eux frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l’oreille droite. Jésus répondit : « Laissez donc faire ! » Et, touchant l’oreille de l’homme, il le guérit. Jésus dit alors à ceux qui étaient venus l’arrêter, chefs des prêtres, officiers de la garde du Temple et anciens : « Suis-je donc un bandit, pour que vous soyez venus avec des épées et des bâtons ? Chaque jour, j’étais avec vous dans le Temple, et vous ne m’avez pas arrêté. Mais c’est maintenant votre heure, c’est la domination des ténèbres. » Ils se saisirent de Jésus pour l’emmener et ils le firent entrer dans la maison du grand prêtre. Pierre suivait de loin. Ils avaient allumé un feu au milieu de la cour et ils s’étaient tous assis là. Pierre était parmi eux. Une servante le vit assis près du feu ; elle le dévisagea et dit : « Celui-là aussi était avec lui. » Mais il nia : « Femme, je ne le connais pas. » Peu après, un autre dit en le voyant : « Toi aussi, tu en fais partie. » Pierre répondit : « Non, je n’en suis pas. » Environ une heure plus tard, un autre insistait : « C’est sûr : celui-là était avec lui, et d’ailleurs il est Galiléen. » Pierre répondit : « Je ne vois pas ce que tu veux dire » Et à l’instant même, comme il parlait encore, un coq chanta. Le Seigneur, se retournant, posa son regard sur Pierre ; et Pierre se rappela la parole que le Seigneur lui avait dite : « Avant que le coq chante aujourd’hui, tu m’auras renié trois fois. » Il sortit et pleura amèrement. Les hommes qui gardaient Jésus se moquaient de lui et le maltraitaient. Ils lui avaient voilé le visage, et ils l’interrogeaient : « Fais le prophète ! Qui est-ce qui t’a frappé ? » Et ils lançaient contre lui beaucoup d’autres insultes. Lorsqu’il fit jour, les anciens du peuple, chefs des prêtres et scribes, se réunirent, et ils l’emmenèrent devant leur grand conseil. Ils lui dirent : « Si tu es le Messie, dis-le nous. » Il leur répondit : « Si je vous le dis, vous ne me croirez pas ; et si j’interroge, vous ne répondrez pas. Mais désormais le Fils de l’homme sera assis à la droite du Dieu Puissant. » Tous lui dirent alors : « Tu es donc le Fils de Dieu ? » Il leur répondit : « C’est vous qui dites que je le suis. » Ils dirent alors : « Pourquoi nous faut-il encore un témoignage ? Nous-mêmes nous l’avons entendu de sa bouche. » Ils se levèrent tous ensemble et l’emmenèrent chez Pilate. Ils se mirent alors à l’accuser : « Nous avons trouvé cet homme en train de semer le désordre dans notre nation : il empêche de payer l’impôt à l’empereur, et se dit le Roi Messie. » Pilate l’interrogea : « Es-tu le roi des Juifs ? » Jésus répondit : « C’est toi qui le dis. » Pilate s’adressa aux chefs des prêtres et à la foule : « Je ne trouve chez cet homme aucun motif de condamnation. » Mais ils insistaient : « Il soulève le peuple en enseignant dans tout le pays des Juifs, à partir de la Galilée jusqu’ici. » A ces mots, Pilate demanda si l’homme était Galiléen. Apprenant qu’il relevait de l’autorité d’Hérode, il le renvoya à ce dernier, qui se trouvait lui aussi à Jérusalem en ces jours-là. À la vue de Jésus, Hérode éprouva une grande joie : depuis longtemps il désirait le voir à cause de ce qu’il entendait dire de lui, et il espérait lui voir faire un miracle. Il lui posa beaucoup de questions, mais Jésus ne lui répondit rien. Les chefs des prêtres et les scribes étaient là, et l’accusaient avec violence. Hérode, ainsi que ses gardes, le traita avec mépris et se moqua de lui : il le revêtit d’un manteau de couleur éclatante et le renvoya à Pilate. Ce jour-là, Hérode et Pilate devinrent des amis, alors qu’auparavant ils étaient ennemis. Alors Pilate convoqua les chefs des prêtres, les dirigeants et le peuple. Il leur dit : « Vous m’avez amené cet homme en l’accusant de mettre le désordre dans le peuple. Or, j’ai moi-même instruit l’affaire devant vous, et, parmi les faits dont vous l’accusez, je n’ai trouvé chez cet homme aucun motif de condamnation. D’ailleurs, Hérode non plus, puisqu’il nous l’a renvoyé. En somme, cet homme n’a rien fait qui mérite la mort. Je vais donc le faire châtier et le relâcher. » Ils se mirent à crier tous ensemble : « Mort à cet homme ! Relâche-nous Barabbas. » Ce dernier avait été emprisonné pour un meurtre et pour une émeute survenue dans la ville. Pilate, dans son désir de relâcher Jésus, leur adressa de nouveau la parole. Mais ils criaient : « Crucifie-le ! Crucifie-le ! » Pour la troisième fois, il leur dit : « Quel mal a donc fait cet homme ? Je n’ai trouvé en lui aucun motif de condamnation à mort. Je vais donc le faire châtier, puis le relâcher. » Mais eux insistaient à grands cris, réclamant qu’il soit crucifié ; et leurs cris s’amplifiaient. Alors Pilate décida de satisfaire leur demande. Il relâcha le prisonnier condamné pour émeute et pour meurtre, celui qu’ils réclamaient, et il livra Jésus à leur bon plaisir. Pendant qu’ils l’emmenaient, ils prirent un certain Simon de Cyrène, qui revenait des champs, et ils le chargèrent de la croix pour qu’il la porte derrière Jésus. Le peuple, en grande foule, le suivait, ainsi que des femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur Jésus. Il se retourna et leur dit : « Femmes de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! Pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants ! Voici venir des jours où l’on dira : ‘Heureuses les femmes stériles, celles qui n’ont pas enfanté, celles qui n’ont pas allaité !’ Alors on dira aux montagnes : ‘Tombez sur nous’, et aux collines : ‘Cachez-nous’. Car si l’on traite ainsi l’arbre vert, que deviendra l’arbre sec ? » On emmenait encore avec Jésus deux autres, des malfaiteurs, pour les exécuter. Lorsqu’on fut arrivé au lieu dit : Le Crâne, ou Calvaire, on mit Jésus en croix, avec les deux malfaiteurs, l’un à droite et l’autre à gauche. Jésus disait : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font. » Ils partagèrent ses vêtements et les tirèrent au sort. Le peuple restait là à regarder. Les chefs ricanaient en disant : « Il en a sauvé d’autres : qu’il se sauve lui-même, s’il est le Messie de Dieu, l’Élu ! » Les soldats aussi se moquaient de lui. S’approchant pour lui donner de la boisson vinaigrée, ils lui disaient : « Si tu es le roi des Juifs, sauve-toi toi-même ! » Une inscription était placée au-dessus de sa tête : « Celui-ci est le roi des Juifs. » L’un des malfaiteurs suspendus à la croix l’injuriait : « N’es-tu pas le Messie ? Sauve-toi toi-même, et nous avec ! » Mais l’autre lui fit de vifs reproches : « Tu n’as donc aucune crainte de Dieu ! Tu es pourtant un condamné, toi aussi ! Et puis, pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. Mais lui, il n’a rien fait de mal. » Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne. » Jésus lui répondit : « Amen, je te le déclare : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » Il était déjà presque midi ; l’obscurité se fit dans tout le pays jusqu’à trois heures, car le soleil s’était caché. Le rideau du Temple se déchira par le milieu. Alors, Jésus poussa un grand cri : « Père, entre tes mains je remets mon esprit. » Et après avoir dit cela, il expira. À la vue de ce qui s’était passé, le centurion rendait gloire à Dieu : « Sûrement, cet homme, c’était un juste. » Et tous les gens qui s’étaient rassemblés pour ce spectacle, voyant ce qui était arrivé, s’en retournaient en se frappant la poitrine. Tous ses amis se tenaient à distance, ainsi que les femmes qui le suivaient depuis la Galilée, et qui regardaient. Alors arriva un membre du conseil, nommé Joseph ; c’était un homme bon et juste. Il n’avait donné son accord ni à leur délibération, ni à leurs actes. Il était d’Arimathie, ville de Judée, et il attendait le royaume de Dieu. Il alla trouver Pilate et demanda le corps de Jésus. Puis il le descendit de la croix, l’enveloppa dans un linceul et le mit dans un sépulcre taillé dans le roc, où personne encore n’avait été déposé. C’était le vendredi, et déjà brillaient les lumières du sabbat. Les femmes qui accompagnaient Jésus depuis la Galilée suivirent Joseph. Elles regardèrent le tombeau pour voir comment le corps avait été placé. Puis elles s’en retournèrent et préparèrent aromates et parfums. Et, durant le sabbat, elles observèrent le repos prescrit.

COMMENTAIRE ET MEDITATION

Avec ce dimanche des Rameaux, nous commençons la semaine sainte. C’est-à-dire la majeure des semaines de toute l’année liturgique. Toutefois, dans de nombreux coins du monde, cette semaine devient de plus en plus comme un temps de courtes vacances. Les élèves, les étudiants et leurs enseignants sont en vacance. Au Rwanda, en plus d’être dans les 100 jours du deuil national, le vendredi saint est un jour férié ! Cependant, pour nous chrétiens, faire le bon usage de ce laps de temps et saisir l’occasion pour profiter des grâces de la semaine sainte s’impose comme un impératif catégorique. Serons-nous capables de consacrer ces quelques jours à des occupations nécessaires que la vie quotidienne nous empêche de réaliser ? Allons-nous vivre l’intimité et la prière intense qui nous procurent une paix intérieure désirable et une unité cohérente qui donnent, en fin de compte, le sens à nos engagements socioreligieux ? Sommes-nous disposés à réaliser chacun son renouvellement radical en réinitialisant son expérience religieuse de la Pâques du seigneur ?

Comme pour répondre à nos précédentes interrogations, la liturgie nous a déjà préparé deux moments inséparables pour que nous ayons une meilleure et significative célébration du dimanche des rameaux. La première partie laisse apparaître le terme qui nous attend au-delà de cette vie terrestre marquée par des innombrables souffrances. La liturgie eucharistique, en particulier les lectures qui nous sont proposées, nous rappelle les conditions nécessaires pour parvenir à l’éradication des problèmes qui paralysent notre pèlerinage terrestre et compliquent notre monté vers la Jérusalem céleste. Autrement dit, de même que le pèlerinage de Jésus vers Jérusalem transite à une procession qui s’effectue dans l’humilité et la simplicité ; de même, dans les lectures de la messe manifestent la voie que nous devrions emprunter pour atteindre et posséder cette vie divine qui nous attend. Or, la route que nous contemplons dans la personne de Jésus de Nazareth est celle d’un abaissement libre et d’une humilité consentie. C’est cette voie de l’obéissance filiale, de l’abandon entre les mains du Père et du don total par amour jusqu’à mourir sur la croix qui nous accompagne jusqu’à la gloire céleste. Celle-ci se concrétise dans le sacrifice qui justifie la cause de tous les justes persécutés voir les innocents exécutés.

Pour ce faire, la première partie s’ouvre par la lecture de l’évangile de Matthieu (Lc 19, 28-40) qui relate l’entrée de Jésus à Jérusalem. Ce voyage aurait eu lieu probablement au mois juif de NISÁN de l’année 30. Si nous nous referons à notre calendrier grégorien, il s’agirait d’une période qui se situe entre le mois de mars et celui d’avril de cette même année. C’est le temps durant lequel la pluie et le froid de l’hiver commencent à disparaitre dans hémisphère nord. Le printemps s’annonce et se réveille en puissance. La saison, elle-même, inspire un renouvèlement de la vie dans la nature dans cette partie du monde. Du point de vue religieux, au temps de Jésus, la plus part des juifs se préparaient pour le grand et annuel pèlerinage de pâque qui rassemblait plus de cent milles pèlerins qui venaient se joindre à 55 000 personnes qui habitaient la ville de Jérusalem. Durant la fête de Pâque, au sein de l’empire romain, Jérusalem se transformait en une ville mondiale ; elle devenait la « capitale religieuse » du monde juif.

La liturgie solennelle de ce jour des rameaux a conservé un certain caractère d’évocation historique. Bien que jusqu’à la deuxième moitié du VIème siècle, à Rome, elle commençait très sobrement, déjà depuis le IVème siècle, à Jérusalem, on célébrait une louange liturgique qui durait toute la journée. Après une messe célébrée à l’ordinaire, les fidèles et leur évêque se rendaient à « l’Eléona », église située sur le mont des oliviers. Sur place, ils lisaient l’évangile de l’entrain de Jésus à Jérusalem. Après, ils commençaient une procession qui descend jusqu’à la basilique de la résurrection. L’office du soir appelé Lucernaire concluait la célébration. Avant de regagner chacun et chacune sa maison, l’archidiacre annonçait que les assemblées des jours suivants seraient à 15 heures dans l’église principale en l’occurrence le « Martyrium » qui s’élevait sur Golgotha.

Il est fort probables, voir certain, que la plupart des pèlerins entraient dans la ville sainte en chantant les psaumes et les hymnes (Cfr Ps 118,25). C’est normal qu’ils arrivent en rendant grâce à Dieu parce qu’ils arrivent de la diaspora ou des villages lointains sains et saufs. Aussi pouvons-nous penser que dans un tel contexte festif, les gens devraient se transmettre l’allégresse. En pensant à l’arrivée du règne de Dieu que Jésus prêchait avec insistance, les foules pouvaient lui rendre hommage et le saluer avec enthousiasme. Toutefois, il ne s’agissait pas d’une manifestation publique organisée en honneur d’une personnalité importante. Cet évènement qui sera plus tard retravaillé théologiquement et présenté liturgiquement comme une entrée triomphale. L’atmosphère qui ressort du récit est certes joyeuse et festive. Néanmoins, derrière les chants d’acclamations qui accompagnent cette procession s’annonce déjà le triomphe définitif du Christ sur la mort durant la nuit pascale. L’espérance d’être sauvés et de ressusciter avec lui pour vivre dans la Patrie céleste de sa vie divine se trouve ainsi mise devant nos yeux.

Pour comprendre ce parcourt qui a transformé l’opprimé en un libérateur de tous les opprimés de la terre et pour saisir la signification paradoxale de cette fête des rameaux, rappelons-nous que le même peuple qui acclamait Jésus en chantant « Hosanna, bénit soit celui qui vient au nom du seigneur » ; c’est ce même peuple-là qui, en suivant aveuglement les intrigues de ceux qui détiennent le pouvoir, réclamera que Pilate libère Barabbas et qu’il crucifie Jésus. Pour ce faire, dans les lectures d’aujourd’hui, le thème central consiste à méditer sur la messianité de Jésus qui est toujours liée aux humiliations que les puissants de son époque lui ont infligées en légitiment leur meurtre par la clameur publique. Voilà pourquoi, avec Jésus, tous les humiliés et offensés et frustrés par les systèmes diaboliques peuvent se sentir consolés par ce Messie qui est toujours l’un de leurs. En lui ils découvrent que leurs espérances a une vie digne bien que les structures mondaines tentent de les endormir ou de les piétiner, elles sont vivantes dans le projet de Dieu. Mais alors, comment est-ce que le Fils de Dieu pourrait-il nous sauver au travers d’une telle vulnérabilité ? Posons la problématique d’une façon la plus radicale : En Jésus Christ, qu’est-ce qui nous sauvent ? Est-ce que c’est sa mort ? S’agit-il de sa résurrection ? Ce sont les deux à la fois ? Vers quel horizon nous oriente l’Esperance chrétienne ?
La première lecture (Is 50, 4-7) nous propose l’image du serviteur de Dieu qui accepte les souffrances, qui ne se révolte pas, qui ne se pas dérobe, qui présente son dos à ceux qui le frappent, et ses joues à ceux qui lui arrachent la barbe, qui ne protège pas son visage des outrages et des crachats. Par cette lecture, nous voyons que dans la tradition biblique ce qui sauve c’est la vie toute entier dès qu’elle est conforme à la volonté de Dieu, elle contribue à l’avènement de son règne. Les douleurs et même la mort que certaines personne assument en raison de leur foi en Dieu ont un sens surtout quand elles visent l’éradication des causes de la souffrance dans le monde et cherchent la justice et la paix. Le serviteur soufrant est une réponse prophétique à l’énigme de l’histoire : Les hommes et les femmes assassinés depuis le commencement du monde et dans tous les coins du monde sont avec Jésus. C’est pour cette que raison que nous avons une dette morale de faire leur mémoire, de raconter leur histoire, de faire des narrations qui immortalisent ce qu’ils ont réalisé. Toutefois, en tant que chrétiens, notre mémoire doit démasquer les idéologies qui étouffent l’espérance et la vie de Dieu en nous et dans les autres.

Car c’est bien là que se joue notre salut. En communiant humainement à la volonté du Père, nous communions à la mission de Jésus, le serviteur de Dieu par excellence. Ce Dernier, n’a cherché rien d’autre que le rétablissement de notre nature humaine dans une relation filiale par rapport à Dieu et sororale entre nous-mêmes. De fait, Jésus en choisissant de devenir l’un de nous, et de mener sa vie comme nous, puis d’entrer dans sa Passion et de la vivre jusqu’au bout, il exprime son humble et abandon entre les mains de son Père. Par le « oui » qu’il donne humainement à un moment où la délibération de tout homme serait infléchie au maximum vers le refus, Jésus nous sauve en accomplissant dans une nature humaine l’existence filiale parfaite. C’est pourquoi, comme nous allons l’expérimenter durant cette semaine sainte, la mort de Jésus n’a pas été comprise par la communauté primitive comme une fatalité mais comme une source de libération et de salut. Toutefois, nous devons toujours souligner que Jésus n’est pas mort tranquillement dans son lit. Il fut injustement condamné et violement assassiné. Sa mort implique les responsabilités humaines. Les interprétations qui présentent la mort de Jésus comme une scene théâtrale ne pas ici une raison d’être. Elles n’ont pas de place. Dans la mort de Jésus, comme d’ailleurs celui du serviteur souffrant, il y a eu des intrigues et des conflits. Il y a eu des personnes concrètes qui ont orchestrée la trahison. Les textes nous informent qu’il y a ceux qui ont organisé l’arrestation, l’emprisonnement et les tortures. Des autorités ont planifié un soit disant jugement et les soldats ont exécuté la condamnation en le pendant sur le bois. Jésus a été donc humilié et c’est pourquoi, il est à mesure de sauver tous les humiliés.

A cet effet, la deuxième lecture (Ph 2, 6-11) nous propose l’hymne qui est sans nul doute le passage qui nous décrit ce mystère d’une manière la plus aboutie : « Le Christ Jésus, lui qui était dans la condition de Dieu, n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur. Devenu semblable aux hommes et reconnu comme un homme à son comportement, il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix. » Autrement dit, le prophète de Galilée nous a libérés par sa vie, sa mort et sa résurrection. Il est le Christ parce qu’il a révélé totalement et complètement qu’il est l’incarnation de l’amour de Dieu.
Chaque année, pour le dimanche des Rameaux, nous lisons le récit de la Passion dans l’un des trois évangiles synoptiques. Cette année, la péricope que nous lisons est tirée de l’évangile de Luc. Je nous propose de nous arrêter aux épisodes qui sont propres à Luc ; bien sûr, dans les grandes lignes, les quatre récits de la Passion sont très semblables ; mais si on regarde d’un peu plus près, on s’aperçoit que chacun des évangélistes a ses accents propres. Ce n’est pas étonnant : on sait bien que plusieurs témoins d’un même événement racontent les faits chacun à leur manière ; eh bien, les évangélistes rapportent l’événement de la passion du Christ de quatre manières différentes : ils ne retiennent pas les mêmes épisodes ni les mêmes phrases ; voici donc quelques épisodes et quelques phrases que Luc est seul à rapporter.

Pour commencer, rappelons-nous qu’après le dernier repas, avant même de partir pour le jardin des Oliviers, Jésus aurait annoncé à Pierre son triple reniement ; cela les quatre évangiles le racontent ; mais Luc est le seul à rapporter une phrase de Jésus à ce moment- là : « Simon, j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne sombre pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères » (22, 32). Ce qui est, je pense, une suprême délicatesse de Jésus, qui aidera Pierre à se relever au lieu de sombrer dans le désespoir après sa trahison. Luc est le seul également à noter le regard que Jésus a posé sur Pierre après son reniement : trois fois de suite, dans la maison du Grand Prêtre, Pierre a affirmé ne rien connaître de Jésus de Nazareth ; aussitôt, Luc note : « Le Seigneur, se retournant, posa son regard sur Pierre ». Dans la première lecture, nous avons médité le texte d’Isaïe, à propos de celui que le prophète Isaïe appelait le Serviteur de Dieu disait : « Le Seigneur m’a donné le langage d’un homme qui se laisse instruire pour que je sache à mon tour réconforter celui qui n’en peut plus ». C’est bien ce que Jésus a soin de faire avec son disciple : réconforter à l’avance celui qui l’aura renié et risquera bien de se décourager.

Autre épisode propre à l’évangile de Luc dans la Passion de Jésus, la comparution devant Hérode Antipas ; vous vous rappelez que c’est Hérode le Grand qui régnait (sous l’autorité de Rome, évidemment) sur l’ensemble du territoire au moment de la naissance de Jésus ; lorsque Hérode le Grand est mort (en - 4), le territoire a été divisé en plusieurs provinces ; et au moment de la mort de Jésus (en 30 de notre ère), la Judée, c’est-à-dire la province de Jérusalem, était gouvernée par un procurateur romain, tandis que la Galilée était sous l’autorité d’un roi reconnu par Rome, qui était un fils d’Hérode le Grand, on l’appelait Hérode Antipas.

Enfin, voici autre trois versets qui sont propres à Luc dans le récit de la Passion ; deux sont considérés comme des paroles de Jésus. Si Luc les a notées, c’est parce qu’elles révèlent bien ce qui est important à ses yeux : d’abord cette prière extraordinaire de Jésus : « Père pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font ! » C’est au moment précis où les soldats romains viennent de crucifier Jésus : « ils ne savent pas ce qu’ils font ! » Que font-ils ? Ils ont expulsé au-dehors de la Ville sainte celui qui est le Saint par excellence. Ils ont expulsé leur Dieu ! Ils mettent à mort le Maître de la Vie. Au nom de Dieu, le Sanhédrin, c’est-à-dire le tribunal de Jérusalem, a condamné Dieu. Que fait Jésus ? Sa seule parole est de pardon ! C’est bien dans le Christ pardonnant à ses frères ennemis que nous découvrons jusqu’où va l’amour de Dieu.

Deuxième phrase : « Aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. » Je resitue le passage : tout le monde agresse Jésus ; trois fois retentit la même interpellation à Jésus crucifié : « Si tu es... » ; « Si tu es le Messie », ricanent les chefs... « Si tu es le roi des Juifs », se moquent les soldats romains ... « Si tu es le Messie », injurie l’un des deux malfaiteurs crucifiés en même temps que lui. C’est dans ce contexte qu’intervient celui que nous appelons « le bon larron », qui n’était pourtant pas un « enfant de chœur » comme on dit ! Alors en quoi est-il admirable ? En quoi est-il un exemple ? Il commence par dire la vérité : « Pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons ». Puis il s’adresse humblement à Jésus : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton Royaume ». Il reconnaît Jésus comme le Sauveur, il l’appelle au secours... prière d’humilité et de confiance... Il lui dit « Souviens-toi », ce sont les mots habituels de la prière que l’on adresse à Dieu : à travers Jésus, c’est donc au Père qu’il s’adresse : « Jésus, souviens-toi de moi, quand tu viendras dans ton Royaume » ; on a envie de dire « Il a tout compris ».

Terminons avec ce versets qui egalement apparait chez Luc : « Déjà brillaient les lumières du sabbat » (23, 54). Luc termine le récit de la passion et de la mort du Christ par une évocation insistante du sabbat ; il précise que les femmes qui accompagnaient Jésus depuis la Galilée sont allées regarder le tombeau pour voir comment le corps de Jésus avait été placé, elles ont préparé d’avance aromates et parfums, puis elles ont observé le repos du sabbat. Le récit de ces heures terribles s’achève donc sur une note de lumière et de paix. Pour les Juifs, et, visiblement Luc était bien informé, le sabbat était la préfiguration du monde à venir : un jour où l’on baignait dans la grâce de Dieu ; le jour où Dieu s’était reposé de toute l’œuvre de création qu’il avait faite, comme dit le livre de la Genèse ; le jour où, par fidélité à l’Alliance, on scrutait les Écritures dans l’attente de la nouvelle création. « Déjà brillaient les lumières du sabbat » : combien Luc a-t-il raison d’insister ! Dans la passion et la mort de Jésus de Nazareth, l’humanité nouvelle est née : le règne de la grâce a commencé. Désormais, nos crucifix nous montrent le chemin à suivre : celui de l’amour des autres, quoi qu’il en coûte. Celui du pardon malgré la gravite de l’offense.

Puisse cette semaine sainte nous apporter les forces nécessaires pour que nous portions la croix qui contribue à la libération des opprimés, des marginalisés, des laissés pour compte. Que la passion de Jésus nous pousse à être solidaires avec les personnes qui s’engagent pour que le monde devienne comme Dieu veut et l’a prévu dans sa bienveillance. Que la passion de Jésus nous éclaire sur la passion de notre pays durant ces 100 jours de mémoire.

PRIERE SCRIPTURAIRE

Seigneur notre Dieu, toi qui nous a révélé que seule la passion du Christ peut donner sens a la passion du monde, fais-nous la grâce, durant cette semaine sainte, d’être renouvelés dans notre attachement à la personne ton Fils, Jésus notre Frère. Fais-nous la grâce de savoir contempler sa croix et d’écouter ton message dans notre propre Passion. Ouvre notre intelligence pour qu’elle t’écoute quand tu parles à notre cœur en nous disant que chaque personne humaine compte beaucoup pour toi. Marie mère de tous ceux qui, en vue de contribuer au salut du monde, acceptent souffrir librement pour assumer les souffrances qui manquaient à celles que le Christ à enduré, accompagne nous sur le chemin de la passion. Mère du Verbe de Kibeho prie pour nous.

Père Jean Bosco NSENGIMANA MIHIGO, msscc